Je lis en ce moment, sur la suggestion d’un ami, Thérèse Raquin, un roman de jeunesse d’Emile Zola. Je n’ai jamais pu renter dans l’œuvre de Zola. J’avais lu L’Œuvre au lycée, sans enthousiasme. Quelques années plus tard, j’ai tenté de lire Germinal, mais j’ai abandonné après quelques dizaines de pages, ce qui est très rare chez moi. Je ne pouvais pas aller plus loin, l’envie n’y était pas, cela m’ennuyait. Je me suis dit alors que décidément Zola n’était pas fait pour moi, que je devais me résigner à ignorer à jamais ce grand classique de notre littérature. Et puis, il y a quelques semaines, je me suis donc lancé dans Thérèse Raquin. Et, à nouveau, je ressens un blocage, presque de la répulsion face à ce livre. Quel est donc mon problème avec Zola ? Je vais tenter d’expliquer la cause de ce rejet.
Ma conception de la littérature est une conception classique. Par « classique », j’entends la conception suivante : exprimer ce que l’on a à dire de manière brève, élégante si possible, en s’attachant toujours à la propriété des termes, dans le double dessein de plaire au lecteur et de le faire réfléchir. Il s’agit d’un idéal de concision, de clarté, d’équilibre et d’harmonie. Un tel idéal, en raison de sa nature même, requiert des sujets empreints d’une certaine noblesse. La Fontaine, Racine, Voltaire sont des auteurs classiques par excellence. Or, l’esthétique de Zola est aux antipodes de celle-ci. En ce qui concerne les sujets, ce qui lui plaît, c’est de représenter non pas des choses belles ou piquantes, mais des chose vraies. Il met une certaine complaisance à décrire des endroits insalubres, sales et malodorants, ainsi que des êtres maladifs et pervers. En ce qui concerne la forme, il n’a aucun souci d’harmonie ou de concision. Il s’étale longuement sur ce qui lui semble significatif, alors que le classique passe outre dès que son lecteur a compris de quoi il s’agissait. Oh, je ne nie ni l’intelligence de Zola, ni ses dons d’observation, ni les qualités de son style, toujours ferme et assuré. Je ne nie surtout pas son énergie et sa formidable capacité de travail. Mais il y a dans le naturalisme quelque chose qui s’oppose directement à l’idéal classique, et je dirais même au génie de la nation française, lequel est directement relié à la simplicité et au rationalisme de l’Antiquité. Zola est sans aucun doute une grande conscience de son époque, il est peut-être un grand écrivain, mais il n’est sûrement pas un classique.
Ce n'est pas une découverte. Le mot "classique" a deux sens. Dans le sens étroit du terme, un écrivain classique est un écrivain du XVIIe siècle (parfois du XVIIIe) et qui a une esthétique classique. Il n'est d'ailleurs pas sûr que la concision en fasse toujours partie. Depuis la fin du XVIIIe siècle, il n'y a donc plus d'écrivains classiques. Ni Balzac, ni Stendhal, ni Baudelaire, ni Flaubert, ni Zola, bien sûr, ne sont des écrivains classiques. Dans un sens plus large, le mot classique désigne les écrivains reconnus par la postérité. C'est dans ce sens que Zola est un classique.
RépondreSupprimerMa foi, vous avez exprimé les choses à la perfection. Le mot « classique » a en effet deux acceptions, Zola est un classique selon la première, pas selon la seconde. Mais c’est un vieil article (plus de deux ans), et j’ai utilisé beaucoup de circonvolutions pour dire une chose toute simple : l’esthétique de Zola ne me convient pas. Merci pour cette mise au point ;-).
RépondreSupprimer