1. Ce qui m’a éloigné de Platon, ce n’est pas sa doctrine, c’est son style. Sur le plan théorique, je crois que je suis un platonicien strict, puisque je cherche à dégager le spirituel de la matière, l’intemporel de l’éphémère, etc. Mais son style me fatigue. Si je devais le définir, je dirais que c’est un style basé sur le multiple. Chaque terme, chez lui, appelle soit son opposé, soit d’autres termes de la même catégorie, ce qui donne à sa phrase une construction complexe, chargée d’incidentes, et typiquement grecque à vrai dire. Or, depuis plusieurs mois, j’ai surtout soif d’unité.
2. J’ai beaucoup lu Platon, mais je crois que, mis à part le début du Phédon et certains passages de la République, je n’ai jamais pris grand plaisir à cette lecture. Ce qui définit la pensée platonicienne, c’est un monde figé. Ses personnages discutent paisiblement, hors du temps, dans des lieux protégés de l’Histoire et des événements, et l’objet de leurs entretiens, ce sont des réalités elles-mêmes immobiles et intangibles. Nul mouvement dans cet univers, ce qui le rend souvent étouffant. Or, vivre, c’est être pris dans un tourbillon d’événements, toujours, quoi que l’on fasse, et le but de l’existence est de tracer sa voie dans ce chaos, non de contempler des essences idéales. Sans transformations, la vie disparaît. Ce sens de l’Histoire, totalement absent chez Platon, est omniprésent dans la Bible, et c’est ce qui explique la victoire finale de celle-ci au quatrième siècle de notre ère.
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