Je lis les Entretiens d’Epictète et je suis frappé par la loquacité de ce fameux philosophe, qui contraste avec le côté lapidaire du Manuel. Je croyais les stoïciens plus économes de leurs paroles ! Mais ce goût pour le langage est une constante chez les philosophes grecs, et Diogène Laërce nous apprend par exemple que Platon et Pyrrhon étaient également réputés pour leur abondance verbale. Une seule exception semble-t-il, Zénon, fondateur du stoïcisme, qui avait coutume de dire : « Nous avons deux oreilles et seulement une bouche, parce que nous devons plus écouter que parler. » Encore Zénon venait-il de la périphérie du monde grec, ceci expliquant sans doute cela. Cette passion pour le discours est vraiment une spécificité grecque, car la plupart des autres traditions spirituelles prônent, avec raison d’ailleurs, le silence. C’est peut-être là aussi ce qui a entraîné la chute finale de la Grèce, vaincue par Rome sur le plan politique, par le christianisme sur le plan spirituel. C’est ainsi : le discours amène la division, et la division l’effondrement. Pour reprendre les termes de la Bible (Proverbes, 13, 3) : « Qui ouvre grand ses lèvres se perd. »
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