La joie est le fond habituel de l’existence. Le simple exercice de nos facultés, la simple constatation de notre liberté à l’égard de la causalité stricte qui régit le monde matériel, colore notre existence d’une certaine euphorie qui ne nous quitte jamais. Et certes, il faut bien cela pour que la vie se perpétue, en dépit des misères qui lui sont inhérentes.
Ce qu’il y a de plus pernicieux, c’est que cette joie existentielle, si elle nous maintient la plupart du temps sur la voie de l’équilibre intérieur, peut parfois également constituer un obstacle – l’ultime obstacle – qui nous sépare de la sagesse véritable. Nous émerveiller de notre propre souveraineté dans le grand jeu de la création peut conduire à un état d'exaltation tout à fait néfaste, qui nous voile la nature réelle des choses et de nous-mêmes. A partir d’un constat parfaitement juste : « Nous sommes libres, nous générons notre propre réalité, et rien ne pourra jamais nous retirer cela », on risque de basculer vers un contentement excessif, vers l’illusion, et donc fatalement, tôt ou tard, vers la souffrance.
Le subtil Lao-tseu avait bien saisi ce danger. « Tout ce qui émane du Tao est monotone et sans saveur » disait-il (Tao-tö king, 35). Il y a là une grande leçon. La vie n’est pas affreuse, mais elle n’est pas merveilleuse non plus, et en tout cas nous ne devons pas chercher à la rendre telle. La vraie vie est absolument neutre, monotone, sans saveur. C’est ainsi, et c’est très bien ainsi. Car si l’insipidité du Tao nous prive apparemment du bonheur, ce qu’elle nous offre en compensation vaut bien davantage : la constante domination de nous-mêmes et de tout notre environnement.
Ce qu’il y a de plus pernicieux, c’est que cette joie existentielle, si elle nous maintient la plupart du temps sur la voie de l’équilibre intérieur, peut parfois également constituer un obstacle – l’ultime obstacle – qui nous sépare de la sagesse véritable. Nous émerveiller de notre propre souveraineté dans le grand jeu de la création peut conduire à un état d'exaltation tout à fait néfaste, qui nous voile la nature réelle des choses et de nous-mêmes. A partir d’un constat parfaitement juste : « Nous sommes libres, nous générons notre propre réalité, et rien ne pourra jamais nous retirer cela », on risque de basculer vers un contentement excessif, vers l’illusion, et donc fatalement, tôt ou tard, vers la souffrance.
Le subtil Lao-tseu avait bien saisi ce danger. « Tout ce qui émane du Tao est monotone et sans saveur » disait-il (Tao-tö king, 35). Il y a là une grande leçon. La vie n’est pas affreuse, mais elle n’est pas merveilleuse non plus, et en tout cas nous ne devons pas chercher à la rendre telle. La vraie vie est absolument neutre, monotone, sans saveur. C’est ainsi, et c’est très bien ainsi. Car si l’insipidité du Tao nous prive apparemment du bonheur, ce qu’elle nous offre en compensation vaut bien davantage : la constante domination de nous-mêmes et de tout notre environnement.
Il est de retour le puissant Laconique, il est de retour le puissant Laconique la la la la la la (à entonner sur l'air de "Il est né le divin enfant").
RépondreSupprimerAh, cher Laconique, vous revoilà ! Vos innombrables fans et lecteurs s'impatientent de vous retrouver à travers votre brillantissime plume et vous les faites languir, cruel ! Que voulez-vous, cher Laconique, il faut comprendre mon enthousiasme et la joie que j'éprouve lorsque vous daignez sortir de votre retraite : ce bas monde est peuplé de tant de tocards, et le web présente un tel concentré de déchets de l'humanité qui le polluent avec des sites tous plus pourris les uns que les autres, que l'on ne peut qu'être heureux lorsque l'on a enfin affaire à la puissance incarnée, autrement dit vous, cher Laconique !!!!!!
Vous avez d'ailleurs ici en ma personne un exemple d'"euphorie" et de "joie existentielle", qui font le sujet de votre nouvel article, philosophique cette fois. Rien de mieux je vous l'accorde qu'une bonne petite branlette intellectuelle de temps en temps et je vous remercie, cher Laconique, de me convier par le biais de votre excellent site "Le goût des lettres" à ce paradoxe : un onanisme collectif.
En revanche, je ne sais pas si le "contentement excessif" est si néfaste que cela ; Il nous prive probablement de notre lucidité, mais certains peuvent y trouver leur compte. Ne dit-on pas : "Heureux sont les simples d'esprit car le royaume des cieux leur appartient !"
J'aurais de ce fait souhaité que vous développiez davantage, ce que vous ferez certainement dans votre réponse, les dangers encourus ainsi que la "souffrance" vers laquelle on risque de "basculer", car vous passez un peu vite selon moi sur ces points qui méritent d'être approfondis.
Je ne sais pas non plus si "la vraie vie est absolument neutre, monotone, sans saveur". Je modèrerais cette assertion, cher Laconique. En effet je dirais plutôt, moi, que la vie du sage est neutre. La vie peut être constituée de véritables montagnes russes de plaisirs et de souffrances, mais dès lors que l'on choisit de moins souffrir on se prive de ce qui constitue le pendant de la souffrance : le plaisir.
Et c'est justement cette "constante domination de nous-mêmes et de tout notre environnement" dont vous parlez et dont "Le Marginal Magnifique est un des plus fervents apôtres, qui en nous retranchant des émotions et de la spontanéité de la vie nous en ôte également le sel.
Ah, le problème est complexe, cher laconique... Essentiel mais complexe, et je peux vous dire qu'il a aiguillonné la réflexion du "Marginal Magnifique plus d'une fois... Mais j'ai fini, comme vous, par opter pour la voie qui mène à "la sagesse véritable" !!!
Décidément, vous me ferez toujours rire, cher Marginal ! Et si vous et la cohorte innombrable de mes lecteurs vous réjouissez lorsque je publie les modestes fruits de ma réflexion solitaire, sachez que je ne me réjouis pas moins lorsque je lis vos commentaires tout frémissants de votre vivacité intellectuelle sans égale ! Vous me qualifiez de « puissant », et certes je ne contesterai pas ce qualificatif en ce qui me concerne, mais la puissance, la majesté et la fougue ne se dégagent pas moins de chacun de vos écrits, j’en suis tout pénétré à chaque fois, et je sais que je ne suis pas le seul !
RépondreSupprimerVous avez bien raison, cher Marginal, le web constitue un beau ramassis de « déchets »… Mais quelque chose me dit que loin de fuir cet univers, votre insatiable curiosité et votre invincible imperméabilité à tous les spectacles répugnants vous poussent souvent vers les bas-fonds du web ! Qui peut dire quelles zones de déchéance le Marginal a arpentées dans ses nuits de vadrouille ? Vous êtes un peu l’explorateur des vices du genre humain, c’est ce qui vous donne cette infinie ouverture d’esprit et cette puissance que je signalais plus haut…
Pour ce qui concerne la matière même de ma « branlette intellectuelle » comme vous dites si plaisamment, et sur laquelle vous émettez quelques réserves, il est vrai que j’ai été, pour le coup, un peu laconique dans mon article. Je me suis aligné sur mon modèle Lao-tseu, penseur métaphysique et lapidaire par excellence… Disons que je ne pense pas qu’on puisse soutenir une euphorie absolue de manière permanente. Des moments d’euphorie nous traversent souvent, en raison de notre souveraineté sur notre environnement, mais ce que j’ai essayé de dire, c’est que loin d’alimenter cette euphorie des âmes libres, il faut au contraire la contrôler, et revenir assez vite à cette norme insipide de la vie qui émane du Tao. Pour quelle raison ? Eh bien, tout excès entraîne vite un retour de bâton, les sportifs euphoriques commettent rapidement des fautes sur le terrain, et la réalité rattrape bientôt ceux qui s’enflamment trop… Comme dit la Bible : « Dans le rire même, le cœur trouve la peine, et la joie s’achève en chagrin. » (« Proverbes », 14, 13).
Je me permettrai de nuancer à mon tour la fin de votre commentaire. Je ne pense pas que la vie du sage soit dépourvue de plaisir. Platon a écrit tout un dialogue assez compliqué, le « Philèbe », pour démontrer que seul le sage expérimente vraiment le plaisir. Pour moi, la sagesse est le milieu idéal sur lequel les plaisirs, à leur saison et sans qu’on leur coure après, viennent naturellement se déposer. Mais il ne faut jamais perdre de vue la Voie et son insipidité, seul objet des efforts du sage. Enfin, vous ne me ferez jamais croire que le Marginal a ôté tout le « sel » de son existence ! Je suis prêt à parier que les bordels de Bangkok ou de Las Vegas retentiront encore bientôt des homériques parties de débauche du Marginal, et que les draps, les murs et les corps en conserveront les ineffaçables stigmates ! Non, cher Marginal, vous êtes sage, mais loin de vous priver des plaisirs, votre sagesse vous assure un contrôle maîtrisé de vos jouissances. Laissez les « montagnes russes » aux demeurés qui peuplent les sites de rencontre et les émissions de TF1. Vous, c’est une régulière ascension vers les sommets de l’extase qui vous est réservée !