Il est difficile d’apprécier les dialogues de Platon à leur juste valeur tant que l’on n’a pas saisi leur fonction véritable. J’ai souvent été rebuté, pour ma part, par les développements interminables que l’on trouve chez lui, et qui semblent ne rien apporter d’éclairant sur l’objet même de la discussion. On aurait tort de croire que Platon, qui cite régulièrement les poètes et les tragiques à l’appui de ses argumentations, ait été dénué de tout sens des proportions et de l’harmonie. Il avait parfaitement conscience de l’effet produit par ses textes. Dans le Politique, un de ses dialogues tardifs, l’« Étranger », que l’on peut considérer comme le porte-parole de l’auteur, déclare, après un long et laborieux parallèle entre l’art politique et celui du tisserand, son indifférence quant à la nécessité « d’ajuster la longueur de nos discours au désir de plaire ». Ce qui compte, ce n’est même pas tant la définition du politique en tant que tel, c’est, pour ceux qui participent au dialogue, ainsi que pour les auditeurs, de « devenir meilleurs dialectitiens sur tous les sujets », et « plus ingénieux à démontrer la vérité par le raisonnement ».
La production d’écrits philosophiques a donc, pour Platon, un statut tout à fait particulier. Dans une démarche sans doute sans équivalent dans toute la culture occidentale, le discours n’a pas pour but de transmettre un savoir ou une opinion, mais sa simple forme se suffit à elle-même. Il s’agit d’exercer l’esprit du lecteur au jeu subtil qui consiste à déterminer les caractères communs à un certain nombre de phénomènes et à les ranger sous une classe unique, afin de dégager l’essence immatérielle qui s’exprime à travers la multiplicité des objets singuliers.
Ne nous lassons donc pas de lire et de relire Platon, car l’enjeu véritable de cette œuvre à nulle autre pareille, ce n’est ni l’agrément du lecteur, ni l’exposition de telle ou telle théorie, mais c’est l’activité même de notre esprit, de notre pensée, et de toute pensée.
La production d’écrits philosophiques a donc, pour Platon, un statut tout à fait particulier. Dans une démarche sans doute sans équivalent dans toute la culture occidentale, le discours n’a pas pour but de transmettre un savoir ou une opinion, mais sa simple forme se suffit à elle-même. Il s’agit d’exercer l’esprit du lecteur au jeu subtil qui consiste à déterminer les caractères communs à un certain nombre de phénomènes et à les ranger sous une classe unique, afin de dégager l’essence immatérielle qui s’exprime à travers la multiplicité des objets singuliers.
Ne nous lassons donc pas de lire et de relire Platon, car l’enjeu véritable de cette œuvre à nulle autre pareille, ce n’est ni l’agrément du lecteur, ni l’exposition de telle ou telle théorie, mais c’est l’activité même de notre esprit, de notre pensée, et de toute pensée.
Cher Laconique, décidément vous êtes bien trop prolifique pour moi et je ne parviens plus à vous suivre ! Je vous préviens, je vais faire court : fi de l'internet ! Je dois vous avouer que je sature en ce moment...
RépondreSupprimerJ'ai moi-même ressenti à la lecture des dialogues de Platon de l'ennui, voir de l'agacement, face aux "développements interminables que l’on trouve chez lui, et qui semblent ne rien apporter d’éclairant sur l’objet même de la discussion".
En expert que vous êtes, vous éclairez donc dans votre nouveau brillant article vos toujours plus innombrables lecteurs sur le sens et le but des longs et rébarbatifs dialogues du sodomite grec. C'est intéressant, cher Laconique ! Ce Platon, finalement, est authentique : il ne fait pas de compromis, ne cherche pas à flatter l'auditeur ou le lecteur.
En tout cas, vous savez bien le vendre votre Platon, dont décidément vous ne vous lassez. Bien que largement moins bercé que vous dans les écrits du philosophe gay, je vous rejoins dans la conclusion que vous faites : on a vraiment l'impression en se plongeant dans ses œuvres de faire travailler notre esprit, de l'élever et tout notre être avec. Puis il faut prendre aussi en compte que cette lecture, étant fastidieuse et nécessitant patience comme dit plus haut, forge le tempérament et les vertus puisque l'on sort grandi de tout ce qui requiert un effort.
Mais franchement, cher Laconique, sont-ils nombreux aujourd'hui, seront-ils nombreux demain, ces lecteurs-là ? Moi-même je sombre dans une fainéantise de l'esprit assez inquiétante à l'heure de toutes ces nouvelles technologie abrutissante et au plaisir immédiat...
Hé cher Marginal, vous avez bien raison : tout cet internet, tous ces écrans, ce n’est pas très bon, mieux vaut en user avec circonspection. D’ailleurs le langage ne trompe pas : « l’écran », c’est ce qui masque l’Être, la vérité. Ne plaçons aucun écran entre nous et la vraie vie ! C’est pourquoi n’ayez aucun scrupule à être bref. Quelques lignes de vous, c’est déjà très bien.
RépondreSupprimerOui, j’en reviens toujours au « sodomite grec », comme vous le qualifiez si pudiquement. Je crois que tant que je tiendrai ce site, je lui consacrerai au moins un article sur dix, car c’est une œuvre à la fois très brillante, très noble, et un peu mystérieuse. Il y a beaucoup de zones d’ombre autour des dialogues, même les spécialistes n’arrivent pas à déterminer leur véritable statut, à dire s’ils représentent la pensée authentique de Platon, ou bien de simples exercices formels, des sortes de divertissements destinés à ses élèves. En tout cas je partage tout à fait votre sentiment sur ces textes : c’est parfois un peu rébarbatif, mais comme la logique ne fait jamais défaut, c’est toujours profitable. Et puis il y a cette atmosphère d’intégrité et d’émulation intellectuelles qui, incontestablement, « élèvent notre esprit et tout notre être avec ». Maintenant, je ne suis pas sûr que cela suffise à forger les vertus et surtout le tempérament, car la lecture peut parfois être une fuite, et le véritable caractère se construit sur un autre plan. En tout cas ça ne peut pas faire de mal, et ça indique toujours la bonne direction !
Il est possible que « les nouvelles technologies et le plaisir immédiat » diminuent le nombre des lecteurs de Platon, mais Platon n’a de toute façon jamais été un auteur très populaire, ni n’a prétendu l’être. Il y a un passage intéressant dans la « République » sur le caractère absolument nécessaire et inévitable du divorce entre le philosophe et la foule… Ma foi, ce n’est pas vous que cela gênera, cher Marginal, vous qui nagez à contre-courant comme un saumon intrépide, dans une trajectoire parallèle à celle de l’Albatros baudelairien ! (C’est vrai que vous vous relâchez, cher Marginal, vous ne faites même pas de pub pour Le Marginal Magnifique, décidément il faut faire tout le boulot soi-même, pour guider les lecteurs vers la littérature authentique !)
Difficile de ne pas s'égarer dans les apories de Platon. Mais comme vous l'écrivez, le lire est un excellent exercice pour l'esprit à condition de ne pas céder à l'ennui en suivant bien les méandres de ses raisonnements. Bonne journée.
RépondreSupprimerEn fait ça dépend des dialogues. Certains, comme l’« Apologie de Socrate » ou le « Banquet »restent tout à fait accessibles et plaisants. D’autres en revanche sont redoutables, mais la rigueur avec laquelle est construite l’argumentation permet quand même de tenir le coup et d’en venir à bout !
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