Lu La Difficulté d’être de Jean Cocteau, avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Frappé par la distinction qui émane de ces pages. Cocteau appartient à un autre âge, un âge où les hommes de lettres s’engonçaient dans un costume prestigieux et rutilant et ne le quittaient plus, où chaque phrase, chaque mot, chaque parole portait la marque d'un engagement sans limite au service de leur idéal. Le masque ne tombait jamais, et ils finissaient par se confondre avec leur masque.
Comme tous les textes autobiographiques, cette Difficulté d’être donne énormé- ment à réfléchir. Il s’en dégage une souffrance intense, permanente, à la fois physique et morale. « J’ai traversé des périodes tellement insupportables que la mort me semblait quelque chose de délicieux. » Et la source du problème est facile à déceler. Il y a une faculté qui est à peu près complètement ignorée par Cocteau, c’est la raison. La beauté l’intéresse, l'émotion l’intéresse, la poésie l’intéresse plus que tout, mais la raison ne l’intéresse pas. Et l’on s’aperçoit que l’on peut bénéficier d’une existence entière au milieu des fées, passer sa vie à peindre, à faire du théâtre et du cinéma, entouré d’actrices, de danseurs et de tout ce que la société compte de plus charmant, sans y trouver pour autant le bonheur, ni l’apaisement. Le grave Zénon de Citium, assis sur sa pierre avec pour seules compagnes sa tempérance et sa vertu, est en fin de compte plus heureux. Ah ! froide raison, austère raison, ennuyeuse raison, ne nous écartons jamais de toi !