Lu Soumission, de Michel Houellebecq. Je n’ai pas vraiment envie de revenir sur le contenu, assez pauvre et schématique en fin de compte, malgré quelques pointes d’humour toujours appréciables. Ce qui me gêne davantage, c’est un certain flottement du style, qui s’amollit et se dilate en maints endroits. Pour vérifier, je reprends tout de suite après Plateforme (2001). Le choc est grand. Je passe sur le contenu glauque et malsain de Plateforme (à quatorze ans je lisais Dragon Ball et je regardais François Mitterrand à la télévision ; à vingt-quatre ans je lisais Partouz de Yann Moix et Plateforme de Michel Houellebecq. Que s’est-il passé dans ce pays ? Que s’est-il passé ?), c’est sur le plan du style que le relâchement est flagrant. La règle de base de l’écriture littéraire, c’est de considérer chaque phrase comme une entité close. Dans Plateforme, le style est impeccable, chaque phrase a la rigueur d’une démonstration. Dans Soumission, le discours se perd régulièrement dans une logorrhée verbeuse et vulgaire, il n’y a plus de points, seulement des virgules à n’en plus finir, toute l’architecture du texte s’est effondrée. S’il y avait une critique littéraire digne de ce nom dans ce pays, c’eût été la première chose que l’on aurait soulevée à propos de ce roman. A vrai dire, le déclin a commencé dès La Possibilité d’une île (2005), et je l’avais remarqué à l’époque. Enivré par son argent et ses groupies, on sentait déjà que l’auteur ne tendait plus autant qu’auparavant les cordes de son instrument. Dans ce domaine comme dans tant d’autres, la plongée dans le vingt-et-unième siècle n’aura été que la manifestation d’un délitement.
(Le soin porté à la langue est le seul critère qui distingue le véritable écrivain du reste de la population. Quelques jours avant la mort de Gide, Maria Van Rysselberghe notait à son propos dans ses carnets : « Il ne laisse plus passer la moindre irrégularité de langage, comme si toute son attention se réfugiait là. »)
(Le soin porté à la langue est le seul critère qui distingue le véritable écrivain du reste de la population. Quelques jours avant la mort de Gide, Maria Van Rysselberghe notait à son propos dans ses carnets : « Il ne laisse plus passer la moindre irrégularité de langage, comme si toute son attention se réfugiait là. »)