21 décembre 2015

André Gide : Les Caves du Vatican


       Lu Les Caves du Vatican, d’André Gide. De tous les grands textes de Gide, c’est celui que j’avais le plus de scrupules à lire, que j’ai lu en dernier. Je pressentais un livre complexe, touffu, et il s’avère que l’épreuve a confirmé mes pressentiments : de tous les livres de Gide, c’est sans doute le moins fluide, et j’ai éprouvé moins de plaisir que pour Les Faux Monnayeurs ou Thésée par exemple. Et pourtant je dois reconnaître la complète réussite de l’entreprise : Gide a fait exactement ce qu’il a voulu faire, un ouvrage atypique, hérissé de partout, qui prend sans cesse le lecteur à rebrousse-poil. Les Caves du Vatican reflètent à merveille une des caractéristiques les plus remarquables de Gide : son aversion pour toute espèce de confort, son refus des chemins tout tracés. Je vois vraiment peu d’intellectuels aussi rétifs à toute idée de conversion, d'appartenance à une famille de pensée, à part Cioran peut-être. Je parierais que c'est un des ouvrages qu’il a eu le moins de mal à écrire, dans lequel ce sont ses penchants les plus profonds qui s’expriment, et il me semble qu’il n’est pas tout à fait anodin que ce soit précisément la version théâtrale des Caves qui ait constitué le dernier acte de la vie littéraire de Gide, en décembre 1950, quelques semaines avant sa mort.

7 commentaires:

  1. Éh cher Laconique, on ne s'entendra donc jamais sur Gide ! Je pensais que ces "Caves du Vatican" nous réconcilieraient enfin, puisque j'ai beaucoup aimé ce livre, contrairement aux autres productions du pédéraste lettré dont vous êtes fan. Et v’là-t’y pas que vous ne vous êtes pas régalé !!!
    J'imagine que vous avez moins kiffé qu'un "Paludes" assurément, livre que vous portez aux nues, puisque déjà vous affirmez avoir pris "moins de plaisir que pour Les "Faux Monnayeurs" ou "Thésée".

    Personnellement j'ai été admiratif lors de cette lecture. Maîtrise totale sur tous les plans : style, intrigue, psychologie. Une tenue parfaite ! Tout au plus pourrait-on trouver tout cela vain, mais c'est un peu le propre de n'importe quelle fiction romanesque au fond... Putain, vous êtes vous donc trop immergé dans le désordonné "Gatsby" pour ne point savourer la perfection du roman culte de Gide ? Bon, vous n'êtes pas totalement foutu, vos innombrables lecteurs peuvent respirer, vous reconnaissez quand même "la complète réussite de l’entreprise".

    Cependant, je ne suis pas d'accord avec vous sur les raisons de cette réussite ; décidément nous resterons irréconciliables, cher Laconique. Je ne trouve pas que l'"ouvrage" est "atypique, hérissé de partout" et qu'il "prend sans cesse le lecteur à rebrousse-poil". Au contraire, si ce livre me plaît, c'est parce que justement Gide est enfin parvenu à écrire un vrai roman, qui ressemble moins à un exercice de style que les "Faux monnayeurs" par exemple, ou cet atroce "Paludes", si creux et ennuyeux.

    Enfin, vous savez ce que c'est, cher Laconique, tous les goûts sont dans la nature... Sans rancune donc !

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  2. Eh, que voulez-vous, cher Marginal, je livre un avis subjectif… Votre position se défend, et vous le faites avec pertinence. Mais c’est justement le côté artificiel, construit, qui m’a un peu laissé froid. Dans chaque ouvrage de Gide, que ce soit « La Porte étroite », « Les Faux Monnayeurs », « Thésée », etc., on retrouve une facette de lui-même. « Les Caves du Vatican » est son ouvrage le moins « autobiographique », le plus « œuvre d’art », et il n’y a guère que le personnage de Lafcadio qui ne soit pas du domaine de la pure satire, qui soit considéré avec quelque empathie. Pourtant, effectivement, je reconnais la maîtrise, le tour de force même, mais cette « sotie » a une tonalité grimaçante qui n’est pas ce que je préfère en littérature. (Et pour le côté « hérissé, à rebrousse-poil », je me suis inspiré des termes mêmes de Gide, dans une de ses lettres : « [je voudrais faire] un livre ahurissant, plein de trous, de manques, mais aussi d’amusement, de bizarrerie et de réussites partielles. »)

    Vous devriez relire « Paludes ». Le côté « atroce » que vous reprochez est volontaire : il s’agit d’un satire de l’ennui et de la sclérose des milieux symbolistes avec lesquels Gide a plus ou moins rompu. Je ne sais pas, je trouve ça plus drôle de s’attaquer au petit milieu littéraire parisien qu’à l’Eglise, ce qui est un sujet mille fois rebattu. Et c’est vrai que j’ai aussi adoré « Gatsby le Magnifique », je le relis en anglais et je me régale, cette distinction, cette pudeur, cette subtilité, c’est ce que j’aime le plus en littérature, c’est pour ça que j’ai bien aimé aussi les premiers Sagan.

    Alors oui, il y a de la « perfection » dans ces « Caves », mais une perfection un peu désincarnée. Malgré tout, je suis, je vous le répète, admiratif : dans une nation dogmatique et sérieuse comme la France, écrire un tel ouvrage témoigne d’une liberté d’esprit remarquable. Bon, on ne se mettra peut-être pas d’accord aujourd’hui sur l’œuvre du « pédéraste lettré dont je suis fan » comme vous dites, mais cela ne nous empêchera pas de passer de bonnes fêtes, pour lesquelles, comme par le passé, j’espère que vous nous avez préparé une petite friandise à votre façon !

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  3. Laconique, mes voeux les meilleurs pour cette nouvelle année : santé, bonheur, épanouissement tant dans votre vie privée que professionnelle. Et merci pour le plaisir que me procure la lecture de vos brillants textes qui, même si je laisse peu de commentaires par manque de temps, me donnent toujours matière à réflexion et pour certains réveillent mes souvenirs de lecture ou ajoutent à ma culture culturelle qui ent loin d'être égale à la vôtre.

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  4. Pardon, mais je voulais écrire : à ma culture LITTERAIRE qui EST loin d'être égale à la vôtre.

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  5. Merci à vous pour vos vœux, cher ami. Nous vivons une période sombre, il est difficile de ne pas voir les choses en noir, mais c’est vrai que le printemps arrive, la lumière, de nouvelles opportunités d’épanouissement. C’est en tout cas ce que je vous souhaite, de continuer à vous épanouir, à porter votre vision exigeante et noble de la nature humaine, et de trouver toujours autant de plaisir dans la lecture des bons ouvrages !

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  6. Pour une fois je suis d'accord entièrement avec vos commentateurs, et pour la qualité de vos billets, et pour le plaisir que j' ai eu autrefois à lire ce chef d'oeuvre noir, teinté d'ironie tragique qui est la recherche du crime sans mobile, impossible puisque toute acte gratuit cesse de l'être à partir du moment où il est intentionné.Je ne lui connais pas d'adaptation au cinéma, si vous en avez vu une correcte, je suis intéressée.

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    1. Eh bien, merci pour ce commentaire toujours aussi pertinent, je ne suis pas surpris qu’une œuvre fine, décapante et ironique en effet comme « Les Caves du Vatican » vous ait plu, chère Orfeenix ! Pour les adaptations cinéma, je crois savoir qu’il y en a quelques-unes concernant l’œuvre de Gide (« Isabelle », « La Symphonie pastorale », « Les Faux-monnayeurs »), mais il me semble que, comme beaucoup d’auteurs, Gide est absolument inadaptable au cinéma, ça l’aplanit complètement. Sinon, un peu dans le même esprit, il y a pas mal de films de Woody Allen qui traitent de l’impunité d’un meurtre (« Crimes et Délits », « Match Point », « Scoop »), c’est un peu la même veine brillante et « immoraliste », on aime ou on n’aime pas, mais moi je suis fan !

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