Lucius Cornelius Sylla est né en 138 av. J.-C., d’une famille patricienne de Rome. Son premier coup d’éclat remonte à l’année 105 av. J.-C., lors de la guerre de Jugurtha. Sylla remet alors sa vie entre les mains de Bocchus, roi de Maurétanie, et lui laisse le choix : lui livrer Jugurtha, son propre gendre, ou vice versa. Finalement, après de longues tergiversations, Bocchus trahit son gendre et le remet à Sylla, lequel en acquiert une gloire immense. Dès lors, celui-ci choisit le surnom de « Felix », l’Heureux, et il attribuera aux faveurs de la Fortune tous ses succès futurs.
D’après Plutarque, il était dans toute sa conduite « plein d’inégalités et de contradictions : il condamnait aux plus cruels supplices pour les causes les plus légères, et supportait avec douceur les plus grandes injustices ; il pardonnait facilement des offenses qui semblaient irrémédiables, et punissait les moindres fautes par la mort ou la confiscation des biens ».
Un de ses principaux faits d’armes consiste en la prise d’Athènes, en 86 av J.-C., après un long siège. D’après Plutarque, le carnage qui s’ensuivit fut tel que « le sang versé sur la place remplit tout le Céramique jusqu’au Dipyle ; plusieurs historiens même assurent qu’il regorgea par les portes et ruissela dans les faubourgs ».
Après plusieurs campagnes victorieuses en Orient contre les lieutenants de Mithridate, Sylla s’empare de Rome en 82 av J.-C., à l’issue d’une terrible guerre civile qui l’oppose aux partisans de Marius. C’est alors l’épisode célèbre des proscriptions : des listes d’adversaires politiques sont affichées dans les rues, et ceux-ci livrés à la vindicte populaire. « Dès que Sylla eut commencé à faire couler le sang, il ne mit plus de bornes à sa cruauté, et remplit la ville de meurtres dont on n’envisageait plus le terme. » Désormais seul dépositaire du pouvoir, Sylla se fait nommer dictateur, une première à Rome depuis cent vingt ans. Il s’efforce dès lors de servir les intérêts du parti aristocratique, notamment en restaurant les pouvoirs du Sénat.
En 79 av J.-C., Sylla abdique librement le pouvoir. Lors des comices, cette année-là, il se tient « tranquillement sur la place, confondu dans la foule », sans être inquiété. Il passe les derniers mois de sa vie dans la débauche la plus outrée, entouré de « comédiennes, de ménétrières, de musiciens », occupé à « boire avec eux dès le matin, couché sur de simples matelas ». D’après Plutarque, il développe alors un « abcès qui, ayant insensiblement pourri ses chairs, y engendra une si prodigieuse quantité de poux, que plusieurs personnes occupées nuit et jour à les lui ôter ne pouvaient en épuiser la source. Ses chairs se changeaient si promptement en pourriture que tous les moyens dont on usait pour y remédier étaient inutiles, et que la quantité inconcevable de ces insectes résistait à tous les bains ».
Il est le dernier homme politique romain de premier plan à mourir dans son lit jusqu’à Auguste. A sa mort, Pompée lui accorde des funérailles nationales. Son corps est incinéré en grande pompe et ses cendres déposées au Champ de Mars. Sur sa tombe, Sylla fit apposer l’épitaphe suivante : « Nul n’a jamais fait plus de bien à ses amis, ni plus de mal à ses ennemis. »
Je vous remercie, cher Laconique, et je suis certain que vos innombrables lecteurs se joignent à moi, pour cette page estivale historique. Ça fait du bien un peu de culture, au milieu de l'huile solaire, des corps à demi à poil et de la débauche environnante qui sert les instincts les plus primaires ! Heureusement êtes-vous là pour redresser le niveau.
RépondreSupprimerEt, si plus de monde encore lisait votre article, si les gens, au lieu de rôtir sur les plages et de s'envoyer en l'air, apprenaient la belle fin de Sylla, pourrissant bouffé par les poux, gageons que, la trouille aidant, ils penseraient un peu plus aux vertus de la tempérance...
Eh oui cher Marginal, un peu de Plutarque ne fait jamais de mal ! Et cette vie de Sylla est incroyable, il n’y a que dans l’Antiquité qu’on pouvait voir des choses pareilles, tant d’intensité dans la violence et le relâchement. Et ce Sylla est fascinant, d’après Salluste il était lettré, très fin, et il n’a jamais été vaincu, il a prospéré jusqu’à la fin malgré les flots de sang qu’il a répandus à Rome et ailleurs. Du coup, je ne sais pas si votre coda moralisante est très appropriée (même si elle est sous-entendue chez Plutarque) : le point saillant de cet article est justement de montrer qu’une vie très immorale peut être en même temps très prospère, ce qui est en contradiction avec la plupart des philosophies antiques ou avec la sagesse juive telle qu’exprimée dans le livre des Proverbes par exemple.
RépondreSupprimerEt d’ailleurs, votre vie n’illustre-t-elle pas qu’on peut sacrifier sans cesse aux « instincts les plus primaires » sans finir « bouffé par les poux » ?