Lu Des nouvelles de l’amour, de Nicolas Rey, avec beaucoup de plaisir. Il y a là tout ce qui me plaît : de la distinction, du style, de l’intelligence, une grande pudeur. Vingt-trois nouvelles très courtes, avec à chaque fois la lutte désespérée de l’amour contre le temps, contre la vie, contre la réalité. On retrouve la tristesse des grands auteurs, celle de Sagan, de Musset.
Peu d’auteurs contemporains me touchent autant que Nicolas Rey. Il y a quelques années, c’était un Apollon : une taille élancée, une ondoyante chevelure d’ébène, un regard langoureux, une voix suave et douce. Quand je le voyais, je pensais toujours à la phrase de Clarence au début de True Romance : « If I had to fuck a guy... I mean had to… If my life depended on it... I'd fuck Elvis. » Un homme né pour l’amour, qui a passionnément aimé, qui a été passionnément aimé. Aujourd’hui, Nicolas Rey a quarante-quatre ans. C’est un homme brisé, courbé, ventripotent, aux cheveux gris, au visage flasque, à la voix chevrotante, qui n’a plus le droit de boire ni de fumer, à qui l’on a posé une hanche artificielle. Combien de temps s’est-il écoulé entre ces deux états ? Un clin d’œil, cinq ans, dix ans, pas plus.
Dans quelque temps, cinq ans, dix ans, vingt ans, Nicolas Rey mourra. Ce condensé d’intelligence, de sensibilité et de grâce n’aura brillé que le temps d’un éclair, éphémère et brûlant comme l’amour. Mais ses livres, peut-être les plus émouvants de notre époque, seront toujours là. Nicolas Rey n’a pas triché. Il a aimé, il a écrit, et il a sacrifié sa jeunesse et sa vie à ces deux uniques passions.