Relu Simetierre de Stephen King, quasiment d’une traite, en quelques jours. Sans doute son meilleur roman, un livre magistral de bout en bout, sans un mot de trop, sans un épisode superflu. Une lente et inéluctable plongée dans l’horreur, mais une horreur fascinante, superbe.
Pourquoi Stephen King, né en 1947, est-il le grand romancier de notre époque ? Il m’a fallu vivre en ville, mener une vie active, pour le comprendre. Stephen King a eu un tel succès parce que ses livres sont parfaitement adaptés à la société technique. Il est le premier à avoir représenté avec un tel degré d’exactitude l’homme du monde moderne. Et quel est cet homme ? C’est un homme qui vit dans l’instant, qui est soumis à ses sensations, à ses sentiments, et avant tout à la Peur, qui est, avec son jumeau le Désir, la grande souveraine du monde moderne. Dans les romans de Stephen King, il n’y a plus aucune place pour l’abstraction. Ces grandes idées qui ont régenté le monde et la pensée pendant des millénaires, telles que la vérité, la vertu, la foi, ont disparu. En cela, il s’inscrit pleinement dans la lignée de Lovecraft, celle de l’horreur matérialiste. Si ses romans nous causent un tel sentiment d’immersion, d’identification, c’est parce qu’il joue sur nos cordes les plus sensibles, celles-là mêmes que notre société consumériste sollicite à chaque instant.
Stephen King a constaté et entériné le grand sacrifice que notre monde a fait pour accéder au confort matériel : celui de la liberté. Mais il dépeint la servitude avec une telle lucidité, une telle ampleur, un tel courage et une telle malice qu’il réussit à nous faire aimer notre prison, et même à nous faire payer pour jouir du spectacle des sévices qu’on nous y inflige.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire