14 mars 2019

Guillaume Musso : La Jeune Fille et la Nuit



Lu le dernier roman de Guillaume Musso, La Jeune Fille et la Nuit (2018). Sans doute son meilleur roman jusqu’à présent. Plus dense, moins frénétique, plus personnel, et bien écrit de surcroît. Les défauts habituels de Musso (multiplication des péripéties, invraisemblance, confusion) ne réapparaissent que dans le dernier tiers de l’ouvrage. Mais il se dégage de ce livre quelque chose de spécial, d’authentique, le souvenir d’une époque disparue (le début des années 90), de multiples notations sur des lieux d’Antibes, de la Côte d’Azur et des environs. Musso est né à Antibes, il est revenu dans ce roman sur les lieux de son enfance, et c’est pourquoi ce livre a eu une résonnance toute particulière pour moi. Nous avons grandi lui et moi à peu près au même endroit, durant les mêmes années. Nous avons été lui et moi foudroyés de la même manière par la lecture de Stephen King, au même moment, au début de l’adolescence, ce qui a marqué profondément nos vies. Et malgré tous les reproches que l’on peut faire à Musso, on ne peut pas lui enlever cela : c’est un vrai écrivain, il a la passion de la littérature, de la lecture, cela se sent. Ce n’est pas un Parisien, un fêtard, c’était un garçon un peu solitaire de la Côte d’Azur qui lisait Stephen King dans son coin et qui rêvait de devenir écrivain dans les années 90, et c’est pourquoi j’ai parfois senti une proximité troublante entre lui et moi à la lecture de ce livre. J’espère qu’il poursuivra dans cette voie, en creusant dans sa vie et dans son expérience plutôt que de s’égarer dans des manèges pseudo-hollywoodiens complètement artificiels.
Le vrai défaut de Musso, c’est les personnages. Ils n’ont aucune épaisseur, ils ne sont que des rouages de l’intrigue. C’est là au contraire toute la force de Stephen King, qui donne vie à des personnages inoubliables, que l’on a l’impression de connaître, de côtoyer, que l’on a du mal à quitter, qui font partie de notre vie au même titre que des êtres de chair et de sang. Chez King, l’intrigue se développe d’elle-même, à partir des personnages, au fil de l’écriture. Il empoigne la vie et nous engage véritablement dans l’histoire. Chez Musso, au contraire, il y a un canevas tracé d’avance qui se déroule mécaniquement. Les personnages sont juste les pièces d’un puzzle, du coup on finit par s’en foutre un peu. S’il arrive à corriger ce point, il pourra faire des romans dont on se souvient longtemps après les avoir lus, qui nous collent en quelque sorte à la peau, ce qui est le propre des livres de Stephen King.
Il y aurait par ailleurs toute une étude à mener sur le rôle du cliché dans la littérature populaire. La Jeune Fille et la Nuit est remplie de clichés : il y a le mâle buriné au cœur tendre, la bibliothécaire tatillonne et pète-sec, la geek sexy et tatouée, etc. Mais force est de reconnaître que le cliché est parfois aussi une source de plaisir pour le lecteur : c’est un confort et un repos de l’intelligence, une connivence s’établit à peu de frais avec l’auteur, on est en terrain familier, on peut avancer sans se poser de questions. On sait que ce n’est pas la réalité, mais une image « fictionnalisée » de la réalité, où la fiction s’assume par un certain grossissement du trait, ce qui autorise la détente et la suspension de l’esprit critique. On est heureux de voir le monde un peu déformé, débarrassé de tout son fatras fonctionnel, ramené aux seuls éléments saillants et émotionnels. C’est une régression, certes, mais une régression joyeuse.
Je continuerai à lire des romans de Guillaume Musso. Il est beaucoup moins bête que certains ne le pensent, et il s’améliore en vieillissant.

2 commentaires:

  1. Ah vous avez la belle vie, cher Laconique : certains lisent Musso pendant leurs vacances à la plage... vous c'est toute l'année !

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  2. Lol cher Marginal, si vous saviez… Mais ça se lit vite Musso, c’est très adapté aux rythmes contemporains, c’est pour ça que ça marche. On peut le lire même sans mener une vie de patachon bucolique.

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