Cher Pacôme Thiellement, je me permets de vous répondre brièvement, puisque vous avez eu l’amabilité de rebondir sur mon dernier billet sur les réseaux sociaux. Rassurez-vous, je ne vais pas vous saouler ni me mettre en avant. Mais vous avez été franc, fair-play, et je ne veux pas laisser cela sans réponse.
Sur le christianisme, l’islam, je n’ai rien à reprocher à votre réponse. Ce sont des sujets sensibles que je n’aborde d’habitude jamais sous un angle polémique. Des choses m’ont agacé dans votre livre, vous m’avez répondu, restons-en là. Vous avez été clair, et je ne doute pas que vous ayez été sincère.
Vous savez, moi aussi ma mère est étrangère. Elle est polonaise. Jean-Paul II était un pape tout récent lorsque je suis né. Pour vous ce nom n’évoque sans doute rien, mais à l’époque, vous ne pouvez pas imaginer ce qu’il représentait pour un peuple plongé dans le malheur, le vrai malheur, avec les files d’attente et les tickets de rationnement à la porte des épiceries, avec les opposants politiques en prison. C’était autre chose que les revendications des Gilets Jaunes, croyez-moi. Passons. Il a changé le monde, il a survécu à tout, alors je suis un peu touchy lorsqu’on représente les chrétiens comme des barbares et des assassins. Mais il y avait malentendu, ok, ok.
Pour le reste, oui, j’aime vos idées, j’aime votre personne, j’aime votre liberté et votre culture, mais je ne suis pas totalement conquis par votre style. À mon avis c’est la chose qui vous manque pour devenir un vrai grand écrivain (ce que vous ne souhaitez peut-être nullement devenir). Le vrai style français est très précis, très rigoureux, il dérive du latin, et le génie français a toujours soumis la passion à l’ordre et à l’harmonie. Concision. Clarté. Détachement. Musicalité. De grandes passions vous animent, mais la phrase doit rester brève, souveraine. Peut-être est-ce votre côté Sans-Roi… Un mot sur Nicolas Rey. Vous le comparez à Beigbeder. C’est l’impression qu’il donne vu de l’extérieur. J’ai lu quelques livres de Beigbeder. Je les ai détestés. J’ai lu tous les derniers livres de Nicolas Rey. Tous m’ont touché, rendu heureux. Oui, Nicolas Rey est un fêtard, un mondain. Il ne s’est pas économisé. Il a bu à toutes les coupes jusqu’à la lie. Maintenant son corps est brisé, c’est une épave. Mais il n’a pas triché. Comme Musset, comme Pierre Louÿs, il a voué sa vie au plaisir, et lui a tout sacrifié. Lisez ses derniers romans, vous les aimerez. Par certains côtés il vous ressemble, il est doux, maladroit, humble. Il a des côtés insupportables, mais il a été touché par la grâce. Et il écrit merveilleusement. Pour moi c’est lui le numéro un, même si c’est dans un genre mineur.
Une dernière chose : ne vous laissez pas bouffer par les réseaux sociaux. Moi je suis gentil, mais il y a des méchants aussi, des fourbes, des gens en manque d’attention ou de reconnaissance. Éteignez l’ordinateur. La vie est courte. Lisez des livres, regardez des films, écoutez de la musique, voyagez, aimez des femmes. Soyez heureux. Et ne gardez pas votre bonheur pour vous, mais rendez-le aux autres, dans vos livres, rendez-le à ceux qui sont moins favorisés par le sort. Mais ne répondez pas à tout le monde sur les réseaux.
Je me souviens de la fois où je vous ai vu pour la première fois. Ça devait être vers 2006-2007 dans l’émission de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais. Je vous ai tout de suite remarqué. Vous avez raison, les premières années de ce siècle ont été atroces en France. Et vous avez été une bouffée d’air. Enfin de la liberté, de la profondeur, une superbe indifférence pour la politique et l’actualité glauque. Vous n’êtes pas totalement français, moi non plus, peut-être est-ce pour cela que nous ressentons certaines choses de la même façon. Restez tel que vous étiez alors, un esthète, un fan. Ne vous laissez pas rattraper par le sérieux. Et ne prenez pas la grosse tête. Il y a suffisamment de gens sérieux dans ce pays.
Pour ma part, je chroniquerai vos prochains livres ici, et je dirai franchement ce que j’en pense. Vous savez, vous n’êtes pas obligé d’utiliser les réseaux si vous voulez avoir l’amabilité de me répondre. Vous pouvez laisser un petit commentaire sous l’article, pas besoin d’être inscrit à quoi que ce soit. C’est un blog confidentiel et nul ne vous embêtera.
Vous rendez certaines personnes un peu moins malheureuses, même si vous n’êtes pas complètement dans la vérité. Vous avez compris que Dieu aime les faibles et les petits. Rares sont ceux qui comprennent cela de nos jours. Restez faible. Restez petit.
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