2 juin 2022

Philip K. Dick : Coulez mes larmes, dit le policier



« J'ai écrit ce livre pendant ce qui a été la pire période de ma vie. J'espère que c'était la pire. Et que je n'aurai plus jamais à subir quelque chose de ce genre. »

Philip K. Dick, 1981

Lu Coulez mes larmes, dit le policier de Philip K. Dick, avec plaisir et intérêt. Dans le remarquable petit ouvrage critique qu'il a publié sur l’œuvre de Dick (Le Guide Philip K. Dick, 2019), Étienne Barillier qualifie ce roman de « tout simplement superbe ». C'est en effet une vraie réussite, sans doute juste en dessous des grands classiques de Dick : Le Dieu venu du Centaure, Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, Substance mort, et la Trilogie divine. Comme toujours chez Dick, une narration très fluide, très maîtrisée, qui dévie sans cesse des chemins attendus, et une grande maîtrise des dialogues, tendus, acérés. Roman de la pure paranoïa dickienne : Jason Taverner, star planétaire au sein d'une société totalitaire et concentrationnaire, se réveille un matin dans une chambre d'hôtel miteuse. Personne ne le reconnaît, toutes les traces de son identité ont été effacées, et il a rapidement la police à ses trousses. Roman très sombre, très pessimiste. Les hommes sont désespérés, mutiques, les femmes sont psychotiques, incontrôlables, autodestructrices. Dimension sexuelle omniprésente, mais froide, mécanique. Le roman transpose le climat idéologique de la Californie des années 60, avec les violences policières à l'égard des étudiants et l'ébullition des campus, mais sans la candeur optimiste du mouvement hippie. Non, le temps a passé, la situation s'est durcie, le piège s'est refermé, les ténèbres ont gagné. Comme souvent chez Dick, la seule lueur d'espoir est matérialisée par de petits artefacts artisanaux qui symbolisent le dernier domaine de liberté encore accessible à l'homme (les bijoux du Maître du Haut Château, le petit vase chinois offert par Stéphanie dans SIVA). Le seul personnage vraiment positif du roman est Mary Anne, une fille mal dans sa peau et recluse qui gagne sa vie en façonnant de magnifiques céramiques. Le roman s'achève sur l'évocation de son travail, îlot de liberté et de beauté au milieu du chaos : « Le vase bleu qu'elle avait fabriqué, celui que Jason Taverner avait acheté pour l'offrir à Heather Hart, finit dans une collection privée de céramiques modernes. Où il se trouve toujours, précieusement conservé. Et même, par nombre de connaisseurs, ouvertement aimé d'un amour profond et sincère. »

2 commentaires:

  1. Éh ben, vous faites de bonnes lectures, cher Laconique, vous lisez avec une belle constance ! Vous semblez fan de ce K. Dick.

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  2. Ah oui cher Marginal, ce Dick est vraiment bon, c'est très plaisant à lire, je suis fan.

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