21 décembre 2024

François Bayrou et la Providence

Je discutais l’autre jour avec un ami philosophe.
« Je suis très effrayé, lui dis-je. Il paraît que l’accession au pouvoir de François Bayrou et de Ségolène Royal a été prophétisée sur un blog depuis 2010. Si c’est vrai, cela veut dire qu’il y a un destin, que tout est écrit, et en tant que chrétien je ne peux pas l’accepter. Je ne peux pas renoncer à l’idéal de la liberté sans renoncer à moi-même. »
Mon ami garda un moment le silence, puis il me dit :
« Tout cela, ce sont des rumeurs. Je ne pense pas que quelqu’un ait pu prévoir l’accession au pouvoir de Bayrou depuis 2010 (et sans doute même avant, puisque le blog ne commence qu'à cette date). C’est impossible. Je n’y crois pas. Mais même si c’était vrai, c’est après tout assez aisément explicable.
« Tout d’abord cela s’explique par de simples facteurs de psychologie humaniste élémentaire. Nous ne sommes plus des humanistes. Nous évoluons dans un monde de stimulations brutes et immédiates. Mais il ne faut pas oublier que pendant des siècles l’Occident a développé une capacité de pénétration psychologique hors du commun. Il paraît que l’auteur du blog en question est un grand lecteur des Vies parallèles de Plutarque, et Plutarque a poussé plus loin que quiconque la réflexion sur les rapports entre le caractère et le destin. Dès lors, pour quelqu’un de familiarisé avec ce savoir humaniste, il était assez facile de prévoir, même en 2007, que la démagogie sarkozyste purement émotionnelle et mensongère finirait mal, et que la ténacité d’un Bayrou, sa force de caractère qui fait penser à celle d’un Fabius Maximus ou d’un Caton l’Ancien, finirait, avec le temps, par le conduire à la direction des destinées de son pays. Même chose pour Ségolène Royal d’ailleurs, qui possède les mêmes qualités d’intransigeance austère et de droiture de la volonté. Tout cela était en quelque sorte écrit, il n’y a aucun mérite particulier à l’avoir prévu.
« Sur le plan politique aussi les choses devaient fatalement en arriver là. Il est bien évident que les positions de Bayrou sur la dette ou sur l’hypercentralisme français étaient celles qui collaient le plus à la réalité, d’un simple point de vue objectif ; et en tant que marxiste je suis bien forcé d’admettre qu’à un moment ou à un autre ce sont les dynamiques objectives de l’histoire qui finissent par s’incarner et s’imposer, même si le spectacle et l’illusion peuvent occuper le devant de la scène pendant un certain temps.
« Enfin, je ne pense pas que tout cela soit contradictoire avec la liberté chrétienne. Après tout, le caractère, lui, est libre, et si le déroulement de l’histoire n’est en quelque sorte que la sanction dans le temps de ce caractère, la liberté originelle demeure malgré tout.
« Mais il y a une chose qu’il faut ajouter. Chaque fois que Bayrou a été au premier plan, des réactions très virulentes se sont produites. La première fois, c’était en 1994 lorsqu’un million de personnes sont descendues dans la rue pour manifester contre sa réforme de la loi Falloux. La seconde, c’est en 2017, lorsque, nommé ministre de la Justice, l’affaire des assistants parlementaires du MoDem lui a été jetée dans les pattes en moins d’un mois et l’a forcé à démissionner. Je suis convaincu que le christianisme ellulien de Bayrou (Bayrou est en effet un grand lecteur de Jacques Ellul, dont il a pu suivre les cours à l'IEP de Bordeaux) est absolument antagoniste avec l’esprit du monde et avec celui de notre époque. Pour l’instant c’est le cœur de l’hiver, l’antique Serpent dort encore. Mais il va ouvrir l’œil, il va relever la tête. Comme à chaque fois, des forces gigantesques vont se mobiliser contre François Bayrou, vont entrer littéralement en convulsion, car Bayrou, contrairement à ses prédécesseurs, n’appartient pas totalement à ce monde corrompu, il participe d'un Esprit radicalement autre, irrecevable pour le monde. Oui, l’antique Serpent, frappé au cœur, va vite se redresser, et il n’épargnera rien pour que les choses rentrent dans l’ordre. »

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